Les enquêteurs du ministère de l’économie suspectent plusieurs grandes marques de puériculture d’avoir manipulé les prix de leurs sièges auto et poussettes. La fameuse Yoyo est notamment concernée.

Les jeunes parents seraient-ils victimes d’une vaste entente entre les pros de la poussette ? Selon les autorités françaises, certains sièges et poussettes très prisés des familles pourraient être commercialisés à des tarifs anormalement élevés, résultant de pratiques anti-concurrentielles de divers fabricants. Concrètement, la direction de la concurrence (DGCCRF) du ministère de l’économie suspecte plusieurs industriels d’imposer les prix de vente aux différents distributeurs – un procédé illicite qui permet d’éviter toute guerre des prix. L’affaire, en partie dévoilée par le site spécialisé Gotham City, est particulièrement sérieuse puisque, selon nos informations, plusieurs revendeurs ont accrédité les soupçons.

Dans le viseur des autorités, quatre marques bien connues des parents : Cybex ; Babyzen, le fabricant de la fameuse poussette Yoyo ; Stokke, la marque norvégienne connue notamment pour ses chaises évolutives pour la maison ; et Joie dont les poussettes et sièges auto sont distribués par la société Outlander.

Le 2 février 2023, une vaste opération de perquisition a été menée : assistés de policiers et gendarmes, les enquêteurs de la DGCCRF ont débarqué chez les quatre industriels concernés, ainsi qu’au siège de quatre enseignes de distribution spécialisées, Aubert, Orchestra, Bébé9 et Vertbaudet. Ce jour-là, iIs saisissent quantité d’e-mails et de documents. Plusieurs protagonistes (Stokke, Babyzen et Cybex) ont bien tenté, depuis, de faire annuler les visites et les saisies devant la cour d’appel de Douai - ce sont les tribunaux du Nord, où est installé Cybex, qui ont autorisé l’ensemble de l’opération. Mais ils ont été déboutés, dans une série de huit arrêts différents tous rendus au mois de février 2024. Tout juste la cour a-t-elle consenti à annuler la saisie de certains e-mails, considérés confidentiels.

Ces jugements permettent de retracer les débuts de l’enquête : avant de déclencher la descente chez les spécialistes de l’équipement pour bébé, les équipes de Bercy ont réuni de solides indices. Au départ, leurs soupçons ne portent que sur Cybex, propriété du groupe chinois Goodbaby, coté à la bourse de Hong-Kong, via sa filiale allemande Columbus trading-partners. Ils ont reçu l’alerte d’un ancien commercial de la société.

Selon ses révélations, le directeur général de Cybex France demande à ses équipes de faire pression sur les revendeurs : il s’agit de « faire remonter les prix à une date fixe pour que tout le monde remonte en même temps, et avec ordre de menacer le client de rupture de livraison en cas de refus de remonter le prix ». Quatre commerçants différents, entendus en toute discrétion par les enquêteurs courant 2022, ont confirmé le strict contrôle des prix exercé par Cybex. L’un a même transmis les SMS échangés avec l’industriel.

  • Narusite@sh.itjust.works
    link
    fedilink
    Français
    arrow-up
    1
    ·
    6 months ago

    J’ai cru à un titre du Gorafi :D

    Quand on voit le prix, l’emmerdement pour circuler correctement sur les trottoirs, dans les magasins, je suis bien content de n’avoir eu que des échappes de portage.

  • Camus [il/lui]OP
    link
    fedilink
    Français
    arrow-up
    1
    ·
    6 months ago

    Discipline tarifaire et mesures de rétorsion

    Mais surprise : les enseignes ont aussi indiqué des pratiques similaires de la part d’autres fabricants, Babyzen, Stokke et Outlander. Babyzen est particulièrement visé : six revendeurs différents ont pointé ses pressions pour sa gamme Yoyo. La responsable d’un magasin Orchestra a mentionné « le risque de ne plus pouvoir distribuer le produit [ndlr : la poussette Yoyo] en cas de non-respect du prix imposé ».

    Pour achever d’étayer leurs soupçons, les limiers de la DGCCRF ont réalisé un comparatif de prix pour une centaine de produits des différents fabricants chez 22 distributeurs : l’analyse a « fait apparaître les mêmes prix de vente à un euro prêt (sic) ». Une belle discipline tarifaire sur fond de potentielles mesures de rétorsion des fabricants…

    Lors de sa contestation de la perquisition devant la cour d’appel de Douai, Stokke a esquissé une autre explication : l’uniformisation des prix découle du choix des revendeurs souhaitant maintenir leurs marges, dans un contexte de forte demande, a avancé la société, également propriétaire de Babyzen depuis fin 2021. Reste à savoir si les quatre fabricants sont impliqués de la même façon dans ces pratiques faussant le jeu de la concurrence. La suite de l’enquête permettra de le confirmer, ou non, pour chacun d’eux.

    L’affaire pourrait encore prendre de l’ampleur car la description de pratiques similaires chez différents fabricants fait suspecter aux enquêteurs de Bercy une entente entre eux, ce qui donnerait au dossier l’allure d’un vaste cartel des poussettes. Le rôle exact des revendeurs reste aussi à définir : sont-ils simples victimes ou en partie complices ? Certains pourraient faire remonter aux fabricants les écarts de prix de leurs concurrents afin qu’ils les fassent rentrer dans le rang - l’audition d’un des distributeurs l’a laissé supposer.

    L’enjeu pour les professionnels concernés est d’importance. Les infractions au droit de la concurrence peuvent donner lieu à des sanctions pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires. « Nous coopérons pleinement avec les autorités et nous sommes convaincus que toute la situation sera bientôt clarifiée », indique un porte-parole de Cybex à l’Informé. De leurs côtés, le groupe Stokke/Babyzen n’a pas souhaité réagir et Outlander n’a pas répondu.