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    Sciences et Avenir Nutrition Conseils Conseils Skyr et yaourts hyperprotéinés : leurs pièges décryptés par des spécialistes

    Par Isabelle do O’Gomes le 29.05.2024 à 11h04 Ecouter 8 min. Abonnés

    C’est un succès de la grande distribution. Mais est-ce une bonne idée que de les acheter ? Réponses avec les données de l’association Open Food Facts et les commentaires de la diététicienne Cécile Seron, de l’association Endat (Etablissement d’aide aux troubles du comportement alimentaire). Yaourt nature

    Vendus en France depuis 2014, les yaourts hyperprotéinés restent un marché de niche : 2% des produits laitiers vendus. Cependant, les achats en moyennes et grandes surfaces ont doublé en 2021 et encore augmenté de 62 % en 2022 (source : Les Echos, 6 juin 2023). © FOODCOLLECTION / AFP

    Ai-je besoin de cet apport supplémentaire en protéines ? C’est la première question que nous devrions nous poser avant de mettre dans notre caddie ces yaourts vendus chers. Pour Cécile Seron, la réponse est claire : “Non, car les Français, à part des cas particuliers, et dans le cadre d’une alimentation diversifiée, n’ont pas de carence en protéines et sont même légèrement au-dessus des recommandations.” Plutôt que les protéines, ce sont les fibres qui manquent à notre régime alimentaire

    Son constat s’appuie sur les travaux de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). En 2007, cet organisme d’Etat a réalisé une expertise afin de connaître les besoins en protéines d’un adulte et a conclu que pour une personne de moins de 60 ans en bonne santé, des apports entre 0,83 et 2,2 g de protéines par kilo et par jour sont suffisants, soit pour une personne de 70 kg, entre 58 g et 150 g par jour.

    tableau

    Attention à ne pas confondre protéines et aliments riches en protéines. Un steak de 100 g contient environ 20 g de protéines. Le yaourt de base contient en moyenne 4 g de protéines pour 100 g et un yaourt protéiné environ 10 g pour 100 g.

    Parallèlement, l’agence mène régulièrement des études sur les habitudes et modes de consommation des Français. La dernière en date, Inca 3, a constaté que la population française avait une alimentation qui couvrait les besoins en protéines calculés en 2007. Ce sont plutôt les fibres qui manquent dans le régime alimentaire de nos concitoyens.

    Quelle quantité de produits laitiers consommer par jour ?

    Le PNNS (Programme national nutrition santé) recommande d’en consommer trois portions par jour pendant l’enfance et l’adolescence, et deux à l’âge adulte. Une portion équivaut à 150 ml de lait, 125 g de yaourt ou 30 g de fromage.

    Attention, par produits laitiers on entend le lait, les fromages et les yaourts. La crème fraîche et le beurre, bien qu’issus du lait, sont riches en matières grasses et pauvres en calcium, ils ne sont donc pas considérés comme des produits laitiers.

    De même, les desserts lactés (comme les crèmes desserts et les flans), qui contiennent souvent trop peu de lait et de calcium et sont la plupart du temps très sucrés, ne sont pas comptés eux aussi comme des produits laitiers.

    Un autre argument marketing pour vendre ces produits est leur prétendue nécessité pour les sportifs désireux de maintenir ou d’augmenter leur masse musculaire. “Si effectivement 42% des protéines corporelles sont localisées dans les muscles et sont continuellement renouvelées, le marketing oublie de préciser que l’organisme ne stocke pas l’excès de protéines ingérées. Une fois le renouvellement des cellules musculaires assurées grâce à une alimentation équilibrée, l’excédent de ces molécules consommé est éliminé. Il est dommage de payer pour des protéines qui ont une grande chance de finir dans nos urines”, précise Cécile Seron.

    Les industriels vantent aussi les mérites de la fermentation, notamment pour le skyr. Ils mettent en avant le fait qu’elle est bénéfique pour le microbiote et justifient ainsi le prix plus élevé de ces produits. “Le processus de fermentation nécessite effectivement plus de travail et de matière première, car on fait couler le lait pour en obtenir une quantité moindre. Mais finalement, la fermentation a lieu aussi dans un yaourt. Y a-t-il plus de bénéfices avec le skyr qu’avec un yaourt normal ? Rien pour l’instant ne le prouve”, note notre interlocutrice. La plupart de ces yaourts contiennent des additifs

    Cependant, il y a un public pour qui ces yaourts protéinés pourraient être utiles : les personnes dénutries, soit parce qu’elles sont malades, soit parce qu’elles sont âgées. Mais, là encore, prudence : “Toute la gamme de Skyr, de Hipro, de Lindahls, pour ne citer que les plus connues, ne se valent pas. Certes, ces produits sont riches en protéines, mais ils peuvent, au final, avoir une piètre qualité nutritionnelle”, complète la diététicienne de l’association Endat.

    Lire aussiQu’est-ce que la dénutrition chez les personnes âgées ?

    Un constat révélé par l’analyse des données de la base Open Food Facts (voir les trois tableaux ci-après) : 6 yaourts de la gamme Hipro ont un Nutri-score E (tableau 2). Le skyr à boire, très prisé car pouvant être apporté à la salle de sport, contient 9% de sucre et est également classé E (tableau 1).

    Lire aussiQu’est-ce que le Nutri-Score ?

    Autre souci : la plupart de ces yaourts contiennent des additifs. Seules 9 références de skyr répertoriées sur la base de données Open Food Facts en sont dépourvues, ce qui est peu par rapport aux 308 vendues sous cette appellation (tableau 1). De même, pour la marque Lindahls, il n’y a que 4 références sans additifs (tableau 3), et aucune parmi les 29 références de la base pour la marque Hipro (tableau 2).

    Or, parmi ces additifs, certains sont des émulsifiants actuellement très étudiés par les scientifiques car soupçonnés de provoquer un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose) et de favoriser des maladies métaboliques comme le diabète, l’obésité et les maladies inflammatoires de l’intestin (Mici). C’est le cas des carraghénanes (E407), de la gomme de guar (E412) ou celle de xanthane (E415), ou encore du citrate de sodium (E331), des émulsifiants très présents dans ce type de yaourt.

    Lire aussiCes émulsifiants qui favorisent les maladies cardiovasculaires et les cancers Ne pas oublier les petits-suisses et le fromage blanc !

    Afin de limiter l’apport de sucres ajoutés tout en donnant un goût sucré à leurs spécialités, les industriels utilisent aussi beaucoup d’édulcorants tels que le sucralose (E955) et l’acésulfame-K (E950). "En l’état actuel des connaissances, si les études à court terme ne semblent pas montrer d’effet délétère sur la santé, en revanche, sur le long terme, un travail scientifique de synthèse mené par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) associe la consommation de l’aspartame à un risque accru de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et même de surmortalité. D’ailleurs, une directive de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) rendue publique en mai 2023, conseille vivement de limiter la consommation d’édulcorants ", rappelle Chantal Julia, professeure et nutritionniste à l’université Paris 13.

    “Côté goût, ces spécialités laitières peuvent sembler agréables et sucrées, souvent grâce à l’ajout d’arômes comme la vanille, la framboise, etc. Cependant, ces saveurs proviennent souvent d’arômes artificiels. Ainsi, vous vous retrouvez avec des produits qui sont finalement ultra-transformés, alors qu’à la base, vous pensiez consommer un produit naturel”, complète Cécile Seron.

    Lire aussiLes yaourts sont-ils tous bons pour la santé comme l’affirme la publicité ?

    Certaines personnes achètent ces produits afin d’avoir un meilleur rassasiement et ainsi, mieux tenir jusqu’au prochain repas (ce qui peut être intéressant par exemple lors du petit déjeuner). Néanmoins, est-il plus intéressant d’utiliser ces produits hyper-protéinés ? En effet, il existe des préparations laitières qui fournissent le même apport en protéines mais à moindre coût. Ce sont les petits-suisses qui, pour 100 g, apportent environ 9 g de protéines, ou le fromage blanc qui, pour 100 g, apporte 7 g de protéines. “L’avantage de ces dernières, c’est qu’elles ne sont préparées qu’à partir de quelques ingrédients : du lait écrémé pasteurisé, plus ou moins de la crème pasteurisée, des ferments lactiques et plus ou moins de la présure. Ce ne sont pas des aliments ultra-transformés comme beaucoup des yaourts protéinés. Si on souhaite leur donner un goût sucré, fruité, la confiture ou le miel est toujours une meilleure option”, explique Cécile Seron.

    Elle conclut : “Il ne faut pas s’interdire d’acheter des yaourts protéinés de temps en temps si l’on souhaite se faire plaisir, mais en aucun cas ils ne sont nécessaires au quotidien, sauf dans des cas très particuliers.”

    TABLEAU 1 : Les skyrs vendus en France, classés en fonction de leur Nutri-score et du nombre d’additifs présents dans leur composition

    TABLEAU 1 : Découvrez ci-dessous le graphique consacré au skyr (cliquez dessus pour agrandir l'image).

    Cliquez pour accéder à la version interactive du graphique.

    TABLEAU 2 : Les yaourts protéinés de la marque Hipro vendus en France, classés en fonction de leur Nutri-score et du nombre d’additifs présents dans leur composition

    TABLEAU 2 : Découvrez ci-dessous le graphique consacré aux yaourts protéinés de la marque Hypro (cliquez dessus pour agrandir l'image).

    Cliquez ici pour accéder à la version interactive du graphique.

    TABLEAU 3 : Les yaourts protéinés de la marque Lindahls vendus en France, classés en fonction de leur Nutri-score et du nombre d’additifs présent dans leur composition

    TABLEAU 3 : Découvrez ci-dessous le graphique consacré aux yaourts protéinés de la marque Lindahls (cliquez dessus pour agrandir l'image).

    Cliquez ici pour accéder à la version interaction du graphique: https://fr.openfoodfacts.org/cgi/search.pl?action=process&se

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      5 months ago

      Comment lire ces graphiques ?

      Ils sont élaborés à partir des données de la base en libre accès Open Food Facts. Chaque point sur le graphique représente au moins un type de yaourt (ou spécialité laitière) répertorié dans cette base et vendu en France.

      Sur l’axe horizontal, les chiffres correspondent au score attribué au yaourt selon l’algorithme du Nutri-score. Un point vert indique un Nutri-score A, un point jaune pour B, orange pour C, rose pour D et rouge pour E. Le Nutri-score permet aux consommateurs de comparer la qualité nutritionnelle des produits alimentaires de la même catégorie. Les denrées au Nutri-score A ou B sont celles qui ont le profil nutritionnel le meilleur (ni trop grasses, ni trop salées, ni trop sucrées, ni trop caloriques). Les produits moins bien notés ont graduellement un Nutri-score C, D, E. Il ne faut pas s’interdire de les acheter mais en petite quantité et de temps en temps.

      Sur l’axe vertical, les chiffres correspondent au nombre d’additifs indiqués par le fabriquant sur la liste des ingrédients. Un total supérieur à cinq peut indiquer que le calcul correspond à plusieurs yaourts vendus ensemble, mais de saveurs différentes. Dans ce cas, une personne consommant le pack entier est exposée à tous les additifs, tandis que le partage du pack réduit l’exposition.

      Avertissement : les données recueillies dans la base Open Food Facts sont principalement fournies par des bénévoles, des erreurs minimes peuvent donc se glisser dans ces tableaux.